Le parler-forêt: "puaï dlei"

La FORÊT: il s'est établi un échange entre l'homme et la forêt, l'homme n'est qu'un élément parmi d'autres de ce milieu, et toute sa littérature ORALE en est marquée.

 

Elle est féérique, comme la mythologie crée par TOLKIEN dans sa passion pour les arbres.

Les Jörais distinguent le parler ordinaire ou direct du

" PARLER-FORÊT": langue riche, employant figures de style et métaphore, qui permet des sens possibles non univoques...

Le mythe intériorisé, le CONTEUR...

Chez les Jörais, tout est ORAL.

Donc tout est dans la tête. On sait par coeur, " PAR OREILLES" dit le Jörai.

 Tout le monde connait des histoires, même les enfants. Chaque conteur connait environ 3 à 4 pièces, mais chacune d'entre elles peut demander 5 ou 6 heures de conte, réparties sur plusieurs nuits.

Le CONTEUR conte  assis ou couché., il raconte quand il en a envie, qu'il y ait ou pas un auditoire.

Il lui arrive de raconter à l'intérieur de lui-même , juste pour ne pas oublier.

Il raconte selon une "monodie", certaines parties sont chantées. Le mythe utilise expressions courantes et "le parler-forêt".

 

Le mythe n'est pas joué. Le conteur ne gesticule pas, il ne mime rien, il n'est pas représenté plastiquement, il est VU INTERIEUREMENT, c'est un SPECTACLE INTERIORISE.

 

L'imaginaire...

Ce n'est pas le destin, mais le CONTEUR qui est maître de la situation. Il ya des nécessités de contruction dans le déroulement du récit qu'il maîtrise parfaitement.

De même, le héros ou l'héroïne jörai reste toujours maître de son apparence extérieure. Il se joue des apparences pour éprouver les situations.

 

Les Jörais: un peuple sans IMAGE, avec un IMAGINAIRE mirifique.

Le Mythe est à sentir intérieurement.

Il y a plusieurs sens qui se superposent: le sens de l' OUÏE ( les textes s'écoutent), le sens des IMAGES,  ( celles qui se créent dans notre tête, à l'écoute), le sens des entrelacs de motifs qui se font écho.

Peuple sans écriture, sans image, mais de tisseurs.

Les mythes et contes sont TISSES.

L'envers du tissage, où les couleurs sont inversées, c'est l' AUTRE MONDE que l'on raconte, où le jour est la nuit, où le faible devient fort, où l'on marche la tête en bas, où les femmes ne restent pas à la maison mais vivent libres dans les bois...

Ce sont les FEMMES FORÊTS...

 

ORALITE / OUVERTURE des OREILLES

En cette société essentiellement ORALE, avoir de l' OREILLE signifie avoir de la MEMOIRE.

Quelques jours après la naissance du nourrisson, on procède à la CEREMONIE d' OUVERTURE des OREILLES. ( Bbhèt töngia)

La FEMME donne ses racines à l'homme en lui apprenant à marcher, mais aussi PARLER et ECOUTER.

La sage femme, grand mère du style "YA PUM", vieille femme des bois mal attifée mais efficace ( pour ne pas dire magicienne un rien chamane et connaisseuse de plantes) procède au rituel.

Pour moi pas de doute, il s'agit de la vieille BA DUNG DAÏ en personne, tout droit descendue du fin fonds de la forêt et de la mémoire  fourmillante des Jörais...

Le temps d'une pipe, et la cérémonie peut commencer: elle tient un fuseau de fil de coton dans lequel elle a craché du gingembre mâché, puis souffle 7 fois dans le trou du fuseau appliqué contre l'oreille du bébé.

Puis prononce la formule du rituel:

 " Hlug amang adung

rhung amang töngia

bbhèt rösung röya etc...."

" Que ton nez sente

Que tes oreilles entendent

insufflés au gingembre

 Oreille gauche souviens toi....etc...."

Après une longue litanie d'appel à la mémoire collective et individuelle, elle énumère enfin les MOTS qui seront utiles à la vie future de l'enfant: outils et armes de chasse, plantes empoisonneuses pour le garçon, plantes à guérir  et pièces du métier à tisser pour les filles.

Initiant l'enfant, elle rappelle du même coup les fonctions sociales et de fécondité /continuité aux adultes.

Tout ceci bien sûr, en LANGAGE - FORÊT, c'est à dire en langue poétique et imagée...

Avec toujours les références aux plantes et à la SYLVE des alentours:

"Que l'enfant croisse

comme tige de bambou... etc..."

 

CONTES